rendez-vous hier soir dans l'ile de Ré
Comme vous le savez, j’ai rencontré, grâce aux blogs et à internet, une association THELIEME « Théâtre et lieux de mémoire » dont le siège social est sur l’Ile de Ré et plus précisément à Sainte-Marie de Ré.
Hier soir, nous nous sommes réunis pour entendre de beaux poèmes écrits par un habitant de l’ile de Ré ; ils sont magnifiques.
Puis, un petit jeu consistant à écrire une histoire, fictive ou réelle, sur l’une des rues ou Venelle de ce joli village dont voici les noms :
Rue des Amourettes
Rue des Beaucoups
Rue des Belles
Rue Chantecorps
Rue des Chirons
Rue du Coin Jaloux
Rue des Francs-Tireurs
Venelle de la Paillarde
Rue du Paradis
Et rue des Parées.
Rues et Venelle qui raconte l’histoire de Sainte-Marie de Ré. Il faut en effet remonter à 1747 pour retrouver l’historique de ces passages. D’ailleurs, cela nous donne envie de mieux connaître la vie des Rétais.
Ne connaissant bien sûr pas du tout , étant débarquée de la région parisienne, la véritable histoire de ces rues et venelle, j’ai donc imaginé une petite histoire dont voici le texte et que j’ai lu devant une petite assemblée d’une vingtaine de personnes, toutes férues de culture et aimant les belles lettres.
RUE DU PARADIS
Après une journée particulièrement chaude, le village de
Sainte-Marie en Ré commençait à s’assoupir, bercé par le doux bourdonnement de
quelques abeilles retardataires rentrant lourdement chargées de nectar de
fleurs.
Quelques oiseaux commençaient à se faire entendre dans les
hautes cimes des arbres qui les avaient abrités tout le long de cette journée
de fournaise. Leur pépiement allait crescendo, saluant le soir qui tombait peu
à peu apportant la fraîcheur tant attendue. Ce concert devait également être
adressé en remerciement aux géants feuillus de les avoir protégés et ils se
manifestaient de plus en plus fort en signe d’allégresse.
La douce brise venant de la mer redonnait de l’énergie aux
habitants de ce village qui, quelques heures plus tôt, semblait endormi. Les
portes des petites maisons blanches s’ouvraient afin de laisser entrer un peu
de fraîcheur dans les demeures aux volets restés obstinément clos dans la journée
et on commençait à percevoir quelques
voix suivies de rires cristallins s’échapper des maisons. Le jour mourrait mais
le bourg revivait.
Je me levai donc de mon fauteuil où je m’étais assoupi et eu l’envie soudaine de parcourir les rues et venelles de
ce joli village.
Tout en sifflotant, je me mis à arpenter le bitume encore
brûlant et mes pas me conduisirent vers la rue principale. Aucune voiture ne
venait gêner le promeneur que j’étais.
Tout à coup, j’aperçu une rue particulièrement sombre, envahie
par une ombre que je pensais bienfaisante et donc plus fraîche que celle que je
venais de quitter. Cet endroit m’attirait. Pourquoi, je ne saurais l’expliquer.
Bizarrement, dès que mon corps s’engagea dans ce passage, mon
cœur se mit à battre plus vite. Etait-ce la chaleur ? Impossible ! Car avant de pénétrer dans
cet endroit obscur, mon cœur se comportait normalement. D’ailleurs, la peau de mes avant-bras se
hérissa s’agrémentant d’une belle chair de poule. Ce fut ensuite mon dos qui se
mit à réagir. L’air y était presque trop froid, surtout si je le comparais à la
chaleur de la rue principale.
J’étais semblable à un animal qui avançait sur un territoire
inconnu pouvant à tout moment se trouver face à un ennemi. Que se passait-il ?
Je me retournais à demi et examinais la plaque ; je
lu : « Rue du Paradis ». Normal que cet endroit soit frais si on
le compare à l’enfer, mais là, un froid malicieux me glaçait la peau. Un
frisson me secoua de la tête aux pieds. Mais mes jambes ne m’obéissaient plus,
elles avançaient inexorablement comme si elles étaient devenues indépendantes
et que c’étaient elles qui commandaient au cerveau.
Pitoyablement, je me retournais et regardais vers la rue
principale que je venais de quitter, mais rien n’y fit. J’avançais vers un but
inconnu, m’enfonçant peu à peu vers une obscurité des plus complètes.
L’air tout autour de moi était devenu électrique, palpable.
Et, tout à coup, un scintillement se forma devant moi. De
peur, mon corps s’arrêta tétanisé. Le scintillement devint plus soutenu de
telle façon que je ne voyais plus au travers.
Devant mes yeux, des millions de paillettes de lumières
dansaient, formant un rideau céleste dont la matière serait faite d’une multitude
de diamants scintillants, irisés adoptant toutes les couleurs du spectre. Mes
yeux furent éblouis. Le nom de Paradis revint à ma mémoire. Serait-ce vraiment
la porte du Paradis ?
Et si j’avançai juste un petit peu, juste pour voir comment
c’est de l’autre côté. Mais, contrairement au phénomène que j’avais ressenti
quelques minutes auparavant, mes jambes ne voulaient plus bouger. Tout mon
corps était pétrifié.
Allez ! Un peu de courage, avance, me dis-je.
Impossible. Même en employant toute l’énergie de mon corps, rien n’y faisait.
Pourtant, la curiosité me travaillait. Je voulais tellement
savoir ce qu’il y avait au-delà de cette porte scintillante.
Bien ! Me dis-je, si mes yeux ne pouvaient pas examiner
ce fameux paradis, mais oreilles, elles pouvaient peut être entendre quelque
chose. Par exemple, un froissement d’ailes, un son harmonieux de harpe, le son
d’une flûte légère ou simplement le souffle d’un ange.
Afin de ne pas briser le silence de la ruelle, je retenais
mon souffle, mais aucun son ne vint charmer mon ouïe. Un silence presque total
régnait entre les murs blancs de la rue du Paradis. Je n’entendais que le sang
battre dans mes tempes, rythmé par les battements de mon cœur qui était
toujours emballé.
J’étais presque sûr que je me trouvais devant l’une des
portes de ce lieu mythique, le fameux paradis. Attendait-elle une âme ? J’en étais persuadé et je n’avais même pas le
droit d’y mettre ne serait-ce que le quart de mon pied.
Une force incroyable m’empêchait d’avancer.
Afin de ralentir les battements fous de mon cœur, je me mis à
respirer profondément puis à relâcher l’air que j’expulsais, doucement. Plusieurs
minutes de ce petit exercice permirent à mon cœur de reprendre un rythme normal
et mon corps pu enfin bouger.
Après un effort immense, j’étendis le bras et mes doigts
caressèrent le rideau d’étoiles qui s’interposait entre moi et ce lieu que
j’imaginais merveilleux. Un doux frisson parcouru ma main, me laissant une
sensation pleine d’amour et de sérénité, comme si un ange y avait déposé un baiser.
Toute mon âme s’en trouva enveloppée de sérénité et je me dis :
« Tu as eu un avant-goût du paradis ».
Et puis, tout à coup une envie folle de rire m’envahit. Mon
rire éclata dans ma gorge, s’amplifia jusqu’à
résonner dans la petite rue. Il n’en finissait pas, faisant tressauter mon
corps tout entier. De grosses larmes commençaient à couler le long de mes joues, m’aveuglant. Enfin,
je me calmais.
Je cherchais fébrilement dans ma poche un mouchoir afin
d’éponger ce trop-plein d’eau salée, mais ma main n’y rencontra que mes clés.
Je séchais donc mes larmes avec mon avant-bras.
Je pu enfin rouvrir les yeux et je me retrouvais dans une rue
calme, sereine, éclairée par la lumière blanche d’une lune ronde. La chaleur du
soir se faisait encore sentir saluée par le doux pépiement des oiseaux
blottis dans les arbres voisins.
Je vis tout à coup dans la demi-obscurité, deux étoiles
jaunes, brillantes me fixer. Mon cœur fit un bond énorme et tout tremblant je
m’approchais et reconnus avec un réel soulagement la stature d’un gros chat
allongé sur un muret, qui me regardait les yeux à demi-fermés. J’avais
l’impression qu’il se moquait de moi.
Ma vision du paradis s’était évanouie, il n’en restait plus
que cette douce sensation à l’intérieur de mon âme.
Avais-je rêvé ? Etait-ce la chaleur de cet après-midi qui m’avait mis les pensées à l’envers, mais pendant un très court instant, je me suis vu là, à la porte de ce paradis tant convoité. Mais mon heure n’étant pas encore arrivée, j’ai dû rebrousser chemin, tout en me promettant que tout le restant de ma vie je n’oublierai jamais cet instant magique.
De retour chez moi, je pénétrai dans mon entrée, encore tout ébloui de ce que j'avais vécu juste un instant et ouvrit la lumière. Je sentis tout à coup quelque chose me chatouiller le cou et y mis la main. Et là, blottie dans ma paume, je découvris une plume légère comme un duvet d'un blanc pur. Etait-ce là la preuve de l'existence du Paradis ?
J'avais présenté cette histoire comme le récit d'un ami, à la fin du texte, j'ai sorti d'une enveloppe une plume blanche d'un cygne, légère comme un duvet et ai dit à l'assistance, "En voici la preuve", afin de terminer sur une note amusante. (Ce qui d'ailleurs a été une idée suggérée par Danielle, notre organisatrice à qui j'avais envoyé mon texte par e-mail).
Ensuite, le mari de notre gentille organisatrice de cette
Association m’a raccompagnée chez moi à Aytré.